Bien avant la photo, le dessin fut le premier outil de l’illustration des publications imprimées. Il commença par la satire et fut d’abord caricature. Les pamphlets circulant à la cour à la fin de l’Ancien régime étaient parfois illustrés des caricatures des grands personnages qu’ils ciblaient. De nombreuses caricatures mettant en scène la société et l’actualité étaient imprimées en feuilles volantes, souvent en quadrichromie, et vendues à la sauvette par les colporteurs parcourant la France. Mais c’est à partir de 1830 grâce à la Charte de la Liberté de publication que les dessins satiriques vont se multiplier critiquant le régime. Toutefois si liberté il y avait, le procès était toujours possible. Certains auteurs contournèrent la loi. Ainsi on se souvient de la caricature de Louis-Philippe dont la tête était une esquisse en forme de poire. Comment faire un procès sérieux au dessinateur d’une poire ?
C’est la forte croissance de la presse populaire au XIXè siècle et de ses suppléments illustrés qui va porter le dessin de presse avant que ne vienne le supplanter la photographie. Il y eu d’abord quelques périodiques spécialisés dans la caricature comme Le Charivari, La Caricature ou Le Chat Noir à la fin du siècle, avant que n’arrive la publication de référence ; L’Illustration qui est un hebdomadaire d’actualité illustrée. Il mobilise de nombreuses plumes, des reporters et des dessinateurs qui vont mettre en scène l’actualité et d’abord en faire la Une souvent spectaculaire. De grands noms vont marquer le dessin de presse du XIXè comme Honoré Daumier, Edgar Degas, Draner, André Gill, Henri de Sta, etc.
Au XXè siècle le dessin événementiel va disparaitre au profit de la photographie, c’est la caricature et la satire qui va demeurer. Avec des journaux spécialisés comme L’Assiette au beurre, Le Canard Enchaîné, Le Crapouillot. Le conflit de 1914-1918 fut inspirant pour les illustrateurs à l’instar de Sem qui a particulièrement mis en scène les poilus au front. Après la seconde guerre mondiale on trouve aussi Hara-Kiri, L’Enragé, Charlie Hebdo, Siné, Fluide Glacial, etc.
Outre la presse spécialisée, le dessin fait son entrée dans la presse d’information générale. Ainsi dans Le Figaro avec l’œil quotidien de
Jacques Faizant qui assume un dessin droitier bien conservateur, dans Jours de France (qui fut le magazine en papier glacé de Marcel Dassault) Kiraz qui dessine les parisiennes, Jacques Sempé qui sera un habitué de Paris Match et de L’Express, Plantu qui a dessiné durant 50 ans pour Le Monde avant de poser sa plume en 2022. Quant à l’actualité, elle est désormais peu représentée par le dessin sauf dans quelques magazines de reportage au long cours comme XXI ou le 1.
En revanche le dessinateur de presse a toujours le beau rôle avec l’actualité des tribunaux, il est le seul à pouvoir illustrer les chroniques judiciaires, seul autorisé à pouvoir saisir les portraits des protagonistes des prétoires, l’atmosphère des salles d’audience et rendre publiques les silhouettes des acteurs du tribunal. En ce début du XXIè siècle le dessin de presse est devenu prétexte à assassiner des journalistes. Ce fut Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. La rédaction de Cabu et Wolinski a été mise un genou à terre, mais elle s’est relevée et avec elle les dessinateurs de presse. Depuis, ceux de Charlie et d’autres continuent car la liberté de la presse c’est aussi cela ; avoir le courage de dessiner…
Bernard Stéphan