Nous sommes au début de la Grande Guerre. Après un mois d’août difficile pour les Alliés, avec la défaite dans « la bataille des Frontières », et les Allemands à moins de 50 kilomètres de Paris, la situation s’annonce plus optimiste à partir du 6 septembre. C’est la première bataille de la Marne et la première grande victoire. Les combats se déroulent entre le 6 et le 12 septembre. Ils se déploient le long d’un arc de cercle de plus de 220 kilomètres à travers la Brie, la Champagne et l’Argonne, bordés à l’ouest par Paris et son camp retranché et à l’est par Verdun. C’est dans cette bataille qu’on retrouve l’épisode finalement assez anecdotique des «taxis de la Marne ». Ce grand champ de bataille est subdivisé en plusieurs offensives : à l’ouest, les batailles de l’Ourcq et des deux Morins, au centre, celles des marais de Saint-Gond et de Vitry, et à l’est la bataille de Revigny. Au cours de cette bataille de la Marne, les troupes franco-britanniques arrêtent, puis repoussent les Allemands, mettant ainsi en échec le plan Schlieffen adapté et suivi par le généralissime Helmuth von Moltke ; il est limogé le 14, remplacé par le général Erich von Falkenhayn.
« C’est la victoire » titre Le Journal. C’est l’un des quatre plus grands quotidiens français avec Le Petit Parisien, Le Matin et Le Petit Journal. Il a été créé en 1892 par Fernand Xau (1852-1899) Le tirage de ce périodique, nationaliste et militariste, dépasse les 850.000 exemplaires par jour durant cette Première Guerre mondiale.
Dans le communiqué militaire, publié à la Une, on peut lire cet extrait : « Malgré les fatigues occasionnées par cinq jours de combats incessants, nos troupes poursuivent vigoureusement l’ennemi dans sa retraite générale.Cette retraite paraît plus rapide que ne l’avait été la progression ; elle a été si précipitée sur certains points que nos troupes ont ramassé dans les quartiers généraux, notamment à Montmirail. des cartes, documents, papiers personnels abandonnés par l’ennemi, ainsi que des paquets de lettres reçues ou à expédier. Partout, et entre autres dans la région de Fromentières, l’ennemi a abandonné des batteries d’obusiers et de nombreux caissons ; les prisonniers donnent une impression marquée de dénuement, de surmenage et de découragement; les chevaux sont particulièrement harassés.«
Le reste de la presse française crie victoire également, laissant parfois l’impression que la guerre va être à présent gagnée rapidement… Dans Le Gaulois, l’académicien Frédéric Masson écrit dans son éditorial, sous le titre « Après six jours de succès, la victoire » : « Te Deum laudamus ! Gloire à Dieu qui, se souvenant que la France est la fille aînée de l’Église, lui a fait connaître la joie de la victoire. La Providence offre ainsi la récompense méritée à tous ceux qui sont restés fidèles à son culte, mais elle enveloppe dans la largeur de sa munificence ceux qui, n’ayant pas le bonheur de se hausser jusqu’à elle, conservent du moins la foi dans la grandeur de la patrie et dans ses destinées glorieuses. »
Le lendemain, dans L’Intransigeant, Léon Bailby est triomphant, mais réaliste : « Quelle magnifique semaine nous venons de passer, toute gonflée d’espérance, et où chaque jour nous a apporté sur la veille un progrès nouveau, une raison nouvelle d’applaudir à l’héroïsme de nos troupes. (…) Admirable victoire, certes, et qui s’inscrira comme une des plus belles pages de notre histoire militaire. Mais que Paris, délivré du cauchemar immédiat de l’invasion, que la France, joyeuse du courage de ses hommes, sachent garder à la grande bataille sa valeur relative. Demain, peut-être, l’ennemi, ralliant ses derniers effectifs de Belgique et ses énormes contingents d’Alsace et de Lorraine, réussira à se reformer. Il peut réparer les brèches, combler les trous. »
Il n’a pas tort, Léon Bailby. Le succès est en effet de courte durée. La retraite allemande se termine sur la rive droite de l’Aisne. Dès le 13, les avant-gardes alliées se heurtent à de solides positions allemandes de l’Aisne jusqu’à l’Argonne.
Une guerre de position et de tranchées débute sur ce secteur. L’offensive se déplace alors vers l’ouest, puis vers le nord. Les deux armées tentent de se contourner mutuellement dans une course frénétique dans les plaines du Nord, de la Picardie au littoral de la mer du Nord. Cette nouvelle guerre de mouvement sera appelée plus tard « la Course à la mer ».
Le Centre de la Presse possède plus de 5.500 exemplaires (collection principale et doubles).
P.R.