Aux origines, la presse des idées

C’est bien le journalisme politique qui fut pionnier de la presse et à cet égard veilleur et éveilleur des consciences, et depuis la fin du XVIIIè siècle une presse batailleuse pour la démocratie. Mais que de chemin parcouru ! Aujourd’hui le journalisme politique de presse écrite est en net recul au profit d’une presse sociétale souvent vitrine d’un consumérisme qui l’éloigne de sa première mission et qui est de plus en plus soumise au baromètre de l’opinion.
C’est au début du XVIIè siècle que les premières gazettes périodiques, ce qu’on appela les Mercure ou les Courants, furent imprimés et diffusés portant l’information et l’analyse politique. Souvent les imprimeurs, pour des raisons de liberté, se trouvaient en Hollande et les initiateurs furent des huguenots exilés.
Les feuilles sont toutefois imprimées en français. La publication en français va imposer notre langue comme idiome international de la diplomatie et des élites. Et conduire de nombreux imprimeurs au travers de toute l’Europe à copier le modèle des gazettes, à en créer, à en imprimer, à en diffuser toujours en français.

La Gazette, novembre 1631 – Collection Le Centre de la Presse.


En France lorsqu’est lancée La Gazette en 1631, fondée par Théophraste Renaudot, elle bénéficie d’un privilège du pouvoir politique, donc elle se soumet à la censure, donc elle n’a pas la liberté des périodiques imprimés en Hollande. Elle est d’abord la voix officielle. Et ce sera ainsi pour les publications autorisées dans le royaume, et imprimées en France, jusqu’à la Révolution.
En Hollande la publication la plus célèbre et la plus riche fut La Gazette d’Amsterdam qui est considérée comme la première publication européenne donnant des nouvelles des pouvoirs, des armées, des mouvements intellectuels, des monarchies et ne se privant pas d’apporter analyses et critiques. Ce qu’on appela les Mercure est une évolution de la publication périodique, ils ont davantage de pages, ils sont publiés à échéance moins rapprochée que les gazettes, ils synthétisent l’actualité politique d’un ou plusieurs pays d’Europe et ils en assument la critique. L’ensemble de ces publications est vendu par les premières librairies, mais dans beaucoup de pays elles seront interdites, elles passent donc de main en main dans une relative clandestinité par les colporteurs qui sont les principaux diffuseurs.

Amsterdam, avec privilège de nos seigneurs – 1er février 1729 – Collection Le Centre de la Presse.


Un exemple de publication diffusant des idées très républicaines et de tolérance religieuse et donc antimonarchiste pendant le règne de Louis XV est Esprit des cours d’Europe. Et si la forme de cette publication est assez semblable à la page d’un livre, une première évolution apparaîtra avec un titre français, Le Mercure François, qui bénéficiera les premières illustrations, des gravures sur bois pour donner une dynamique et un nouvel attrait aux textes.

Le Mercure françois – 1621 – Collection Le Centre de la Presse.


Au XIXè siècle cette presse fondée d’abord sur la défense des idées prit tout son essor et eut son temps de gloire avec les journaux à très grande diffusion, et ça va durer jusqu’à la période d’entre-deux-guerres au XXè siècle. Pour finir aujourd’hui avec de moins en moins de titres et peut-être de moins en moins d’idées… Car, si le journalisme de presse écrite a longtemps pesé sur l’opinion, désormais c’est l’opinion qui pèse sur le journalisme en général. Quant à la presse écrite, on observe hélas qu’elle pèse de moins en moins.

Bernard Stéphan

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