
À sa Une du 13 juin 1936, Le Matin annonce que la Chambre des députés a adopté la veille la loi sur les congés payés annuels qui sera finalement promulguée le 20 juin suivant. Voilà bien ce qui sera un grand changement dans la vie quotidienne estivale des français. C’était une revendication bien ancrée dans les mouvements de grève qui ont accompagné la victoire du Front Populaire. Au lendemain de la nomination de Léon Blum comme président du Conseil, le 4 juin 1936, le journal Le Petit Parisien évoque en une la revendication des congés payés comme une des priorités. La Dépêche (ancêtre de La Dépêche du Midi) à sa une de l’édition du 10 juillet 1936 consacre un long papier au « Ministère des loisirs ». Celui-ci explique le rédacteur « est la conséquence logique et nécessaire des quarante heures de travail par semaine et des nouveaux moments de liberté quotidienne qui en résultent. » Et d’ailleurs c’est dans le même esprit qu’en 1981 sera créé l’éphémère Ministère du Temps Libre !…

Pour la première fois 600.000 Français prendront des congés payés cet-été là. Ils partent en vélo ou en train avec un billet spécial travailleurs. À la Une de Paris Soir du dimanche 16 août une photo d’un quai de gare noir de monde dans la capitale avec ce titre : « Le beau temps revenu, les parisiens sont partis pour la campagne ». A la une du Populaire du 17 août 1936 deux photos, des baigneurs dans une piscine et un jeune garçon faisant un château de sable sur une plage avec cette légende : « Enfin la chaleur ! Tandis que les travailleurs en congés ont emmené leurs femmes et leurs gosses sur les plages de la mer et de l’océan, ceux qui n’ont pas pu partir ont pris d’assaut les piscines de la capitale. » Lorsque la première vague des bénéficiaires des congés payés va arriver sur les plages, notamment les plages normandes, c’est la presse réactionnaire qui va y aller de son ironie. Caricatures dans Le Figaro de ces ouvriers en casquette qui mangent du saucisson sur la plage du Touquet. A contrario dans La Vie Ouvrière, le journal de la CGT, le dessinateur René Dubosc montre une respiration idyllique de ce moment.
Paradoxalement durant cet été 1936 la presse sera assez avare de reportages sur les premiers congés payés. Et pour cause, elle a d’autres chats à fouetter. En effet l’actualité de l’été 36 n’est pas dominée par le nouveau farniente, mais par la guerre civile en Espagne. C’est début juillet 1936 qu’une conspiration nationaliste a lancé la rébellion contre la République avec le putsch du 17 juillet suivi en août d’importants combats en Estrémadure et à Séville. La presse écrite fait ses Unes d’août sur cette guerre au-delà des Pyrénées. Ainsi va l’actualité laissant loin les plages et les premiers congés payés.
Bernard Stéphan
