Voilà maintenant cinquante ans que le général Charles de Gaulle est décédé.
Sur une vie qui fut parmi les plus riches et illustres du XXe siècle, penchons-nous sur ses derniers moments : là où le militaire de haut rang, résistant puis libérateur de la nation, enfin président d’une république qu’il taille à la mesure de ses épaules, décide de se retirer.
Après les événements de Mai-68, de Gaulle semble de plus en plus en décalage avec un pays qu’il a tant mené. C’est finalement son fidèle bras droit, Georges Pompidou, qui met fin à la crise. Mais le général vient de chuter de son piédestal…
Son dernier coup politique d’envergure, le référendum du 27 avril 1969, où Charles de Gaulle propose aux Français une transformation radicale de leurs institutions. Il veut supprimer le Sénat, et doter les régions de réels pouvoirs de décision, en tant que collectivités territoriales. Il l’annonce : si le « non » l’emporte, il démissionnera. Avec moins de 48 % de votes favorables, de Gaulle tient honorablement sa promesse, et quitte le pouvoir le 28 avril 1969.
Il s’éclipse en Irlande tout d’abord, le temps de la campagne. Puis il revient dans son domaine de La Boisserie, dans sa chère et aimée Colombey-les-Deux-Églises, pour entamer la rédaction de ses Mémoires d’espoir, reclus. Refusant sa retraite de général comme celle de président, il montre ainsi jusqu’au bout sa volonté de séparer l’homme d’État qu’il était du simple citoyen. Un unique voyage en Espagne, pour rencontrer le général Franco, même à titre privé, n’empêche pas ses détracteurs de crier à un mélange des genres malvenu.
Le 9 novembre 1970, en pleine partie de réussite habituelle, l’homme du 18-Juin subit une rupture d’anévrisme fatale : il en meurt vers 19h30. La nouvelle n’est diffusée que le lendemain par Georges Pompidou, alors président : « Française, Français, le général de Gaulle est mort, la France est veuve ». Très vite les journaux s’affairent, et les premiers titres publient la nouvelle dès le 11 novembre, date déjà ô combien symbolique pour tous les Français.
Les obsèques ont lieu le lendemain, à Colombey-les-Deux-Églises. Le général ne souhaitait pas de cérémonie publique ; ce sont pourtant plus de 50 000 personnes qui affluent dans la ville, et 70 000 devant le parvis de Notre-Dame, où l’on retransmet l’événement. Dans la presse, le deuil semble unanime, à l’exception des titres satiriques : si Le Canard enchaîné parvient à railler sans choquer, Hara-Kiri et son rapprochement avec l’incendie d’une discothèque la semaine précédente à Saint-Laurent-du-Pont, en Isère, est jugé inacceptable : le titre est interdit de publication dès le lendemain.
Autant que la politique, de son époque à la nôtre, le général, dans ses derniers instants, a donc contribué malgré lui à transformer aussi le visage de la presse : Charlie-Hebdo remplace la semaine suivante Hara Kiri, et continue de défrayer la chronique… Le gaullisme est encore repris dans un cri unanime par l’ensemble de la classe politique actuelle ; le journalisme a lui tenté de se libérer progressivement du joug gaullien (puis pompidolien) et d’affirmer sa liberté d’expression et son indépendance…
Texte : Henry Hautavoine