Great America, again and again

Couverture du 16ème et dernier numéro d’America

Audacieusement alignés dans la bibliothèque. Colorés, voire acidulés pour certains, numérotés, de 1 à 16. Ils sont là, les 16 numéros du magazine America. François Busnel et Éric Fottorino ont lancé ce projet, le temps du mandat de Donald Trump, 4 numéros pendant 4 ans. Histoire de regarder l’Amérique du président à la coupe de cheveux incertaine autrement que par le bout de la lorgnette. Histoire de respirer un autre air. Oublier le nauséabond. Plonger dans l’ailleurs.

Miraculeux comme une bouffée d’oxygène. On respire avec des monstres magnétiques comme Toni Morrison, Philip Roth, Jim Harrisson, Paul Auster, Joyce Carol Oates, des monuments stellaires tels F. Scott Fitzgerald, Hemingway, Steinbeck, Twain, mais également Laurent Gaudé, Joël Dicker, Leïla Slimani et tant d’autres encore. Tous nous y parlent de l’essentiel : les mots, la pensée, l’art, la littérature, la folie d’un monde qu’on ne comprend plus, les délires d’un ahuri bouffi d’aigreur, les peurs d’une Amérique parfois éperdue et inquiétante, parfois férocement libre. On y trouve aussi des nouvelles inédites des plus grands auteurs américains, on y découvre les futurs écrivains étasuniens de demain. Tout pour nous donner envie de lire ou de relire, pour se rouler dans la littérature, avec délectation et gourmandise.

Errance sur les routes de cette Amérique là ! On la voit différemment aussi avec ses photos prises sur le vif, où elle vibre de liberté, de feu de camp façon Woodstock, d’espace, de country music, où elle se terre de terreur, entre voiture brûlée, colère d’un peuple que l’on empêche de respirer, où elle roule dans une vieille Buick pour rejoindre un motel coincé dans les années 50.

Rire sur la route 66 ou écouter les diatribes acerbes du poisson rouge, qui du bocal qui trône sur le bureau de la maison blanche, assiste, impuissant au pire « reality-show » jamais tourné, aux prises de décisions ubuesques, aux monologues et introspections glaçantes. Il tourne et tourne en rond dans son bocal, regrettant amèrement les pas de danses jazzy de Barack et Michelle.

Incontournable, son cinéma. Vous n’y trouvez pas de blockbuster, mais du lourd. Pourtant, du grand art : du Kubrick, du Welles, du Wilder, du Mike Nichols, présenté par un écrivain. On a envie de tous les voir ou revoir.

Croire en ce pays, croire en l’humanité un peu plus aujourd’hui car la parenthèse cauchemardesque Trump est terminée.

Avancer toujours, des images dans la tête, l’America au cœur, et la tête libre.

Corinne Plisson

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