Sous la forme associative tripartite réunissant des journalistes, des patrons de presse et des lecteurs (ou auditeurs ou téléspectateurs), a été créé en 2019 un conseil de presse appelé CDJM (Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation). Chacun, lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, peut saisir le CDJM pour pointer une faute déontologique et demander un avis autorisé du Conseil qui statut et peut rendre public cet avis si la saisine est jugée recevable. L’objectif d’une telle structure est de travailler pour recrédibiliser les médias. En effet, sondage après sondage 70% des Français disent ne plus avoir confiance dans les journalistes. Ceux-ci sont jugés sous influence, peu crédibles, manquant de rigueur, inféodés aux groupes de pression, aux pouvoirs politiques et économiques, aux lobbys. La fonction première du CDJM est de reconstruire la confiance en mettant en avant les mauvaises pratiques, mais en reconnaissant aussi les bonnes pratiques.
Quels sont les motifs pour s’adresser au CDJM ? À titre d’exemple, depuis 2019, le CDJM a été saisi 582 fois par des usagers des médias nationaux ou régionaux. Les motifs des saisines sont à ranger dans cinq catégories : inexactitude des faits rapportés, absence d’offre de réplique à une personne mise en cause, atteinte au respect de la dignité des personnes, confusion entre information et publicité, atteinte à la vie privée des personnes. Et si chacun peut saisir, il y a toutefois une condition impérative : l’auteur d’une saisine doit être parfaitement identifié, les saisines anonymes ne sont pas retenues.
Le CDJM se considère comme une structure d’auto-régulation. Il publie sur son site les saisines retenues et les avis rendus qui peuvent avoir trois degrés : « Non fondée », « Partiellement fondée », « Fondée ». Les attendus des avis rendus sont publiés dans leur intégralité.
Au cours de la procédure d’étude d’une saisine, les membres du CDJM qui instruisent le dossier essaient d’entendre toutes les parties (journaliste, personnes mises en cause, direction de la rédaction, etc..) avant de qualifier le dossier et de rédiger les conclusions.
La France n’étant pas une planète étrange, il y a bien longtemps que les conseils de presse ont éclos ailleurs. Il y a trente-et-un conseils en Europe et un peu plus d’une centaine dans le monde. Et si en France la structure est tripartite, l’adhésion relève seulement du volontariat (collectif ou individuel). Alors pourquoi cette quasi absence jusqu’à ce jour des grands groupes de la presse écrite ainsi que des sociétés de journalistes alors que les syndicats de journalistes sont partis prenantes ? Ces médias craignent-ils une atteinte à leur indépendance ? Le CDJM n’est ni une police de la pensée, ni un ordre professionnel, ni un organisme de contrôle des contenus. Dans sa mission il n’y a aucune intervention sur le contenu éditorial des médias. Sa seule préoccupation, son seul objectif, c’est de pointer les mauvaises pratiques en matière de déontologie exclusivement. Ce qui justifierai la participation du plus grand nombre dans un contexte ou le contrat de confiance avec les lecteurs est au plus bas. Il est bien évident que plus il y aura de médias participants et plus les avis rendus auront force et pertinence pour retisser le lien avec les usagers. Qui peut considérer qu’un travail de longue haleine pour conduire nos compatriotes à retrouver foi en leur presse est une action vaine ? Sauf à considérer que le tohu-bohu des réseaux sociaux où le mot déontologie est inconnu, ou le mot auto-régulation est une illusion, ou le contrôle des fake-news est une mascarade, est l’alternative pour les auditeurs, téléspectateurs, lecteurs, qui ont perdu le goût d’une presse libre, crédible, indépendante, porteuse de valeurs et soucieuse de rigueur.
Bernard Stéphan