Presse jeunesse : rien n’est perdu

Pierrot du 10 septembre 1950

Les jeunes ne lisent plus. Voilà une affirmation qui relève davantage de l’assertion que de la vérité objectivement constatée. Bien sûr si vous observez les va-et-vient dans une maison de la presse (commerce de plus en plus rare) vous aurez du mal à compter les jeunes stationnant devant les présentoirs pour acheter un magazine et encore plus un journal quotidien. Et pourtant la lecture de la presse par les jeunes est importante puisqu’elle réunit chaque semaine environ 10 millions de lecteurs de 1 à 19 ans. Mais c’est essentiellement une presse de périodiques achetée par abonnements.

Tintin du 9 avril 1952

Au XIXe siècle la grande presse accorda tardivement de la place aux enfants et aux ados parce
qu’on considérait alors qu’un journal c’était d’abord pour les adultes. Les premiers périodiques à
fort tirage pour enfants, à la fin du XIXe, sont La Semaine des Enfants, Le Petit Français illustré,
Mon Journal ou Le Journal des Voyages. L’aventure, la découverte des mondes lointains,
l’exotisme, sont la matière première de ces publications. Mais c’est au début du XXe, lorsque
l’école obligatoire avec la lecture touche massivement toutes les classes populaires, que sont
lancées les publications à grand tirage comme L’Épatant et Cri-Cri en 1907. Dans les années 1930
la presse américaine va imposer quelques grosses machines comme Le Journal de Mickey à partir
de 1934. Après-guerre les publications se multiplient, souvent associées à des mouvements de
jeunesse, de scoutisme confessionnel ou laïc, avec Coq Hardi, Intrépide, Vaillant, Tintin, La
Semaine de Suzette
. On parle alors moins de journaux que d’illustrés et dans les années 1970 et
surtout 1980 vont arriver les fanzines qui sont davantage des supports de Bandes Dessinées, le
nouvel art qui s’impose dans les publications. Mais on retrouve aussi des périodiques
d’informations vendus à la porte des collèges et des lycées au début des années 1960 et 1970
comme Franc-Jeu ou Terres des Jeunes.

Bernadette du 10 novembre 1957

Dans les années 1990 et 2000 plusieurs quotidiens vont tenter des expériences vers les enfants et les
ados pour sensibiliser un nouveau lectorat avec l’espoir de le rendre captif lorsqu’il deviendra
adulte. Celui qui est le plus durable et dont le succès est certain est le JDE (Journal des Enfants),
hebdo d’actualité pour les 8-12 ans, lancé en 1984 par le journal L’Alsace et qui aujourd’hui a pour
partenaires neuf quotidiens régionaux (L’Alsace, Le Progrès, Vosges Matin, L’Est Républicain, Le
Journal de Saône et Loire, Le Bien Public, Le Républicain Lorrain, Les Dernières Nouvelles
d’Alsace, Le Dauphiné Libéré
). Autre titre ; 1 jour 1 actu, réalisé par le groupe Milan Presse qui se
veut aussi un outil médias pour les classes en publiant des numéros à dossiers thématiques. Les éditions
Play Bac quant à elles publient plusieurs journaux de décryptage de l’information avec des cibles par tranche d’âge : Le Petit Quotidien (6-10 ans), Mon Quotidien (10-13 ans), L’Actu (13-18 ans), L’Éco (15-20 ans).

Lisette du 20 septembre 1959

Bien sûr il faudrait parler de la presse numérique qui s’est multipliée ces dernières décennies
profitant du temps d’écran des enfants et des ados. Elle est aussi un temps de lecture, même si elle
n’est plus un temps consacré au papier. En revanche la lecture dite loisirs décline après l’âge de 12
ans au profit d’un usage des écrans pour les vidéos. Une récente étude du CNL (Centre National du
Livre ) et de l’Ipsos (23 mars 2022) montre que les 7-19 ans, lorsqu’il lisent, préfèrent en majorité
mangas et BD aux romans ou aux périodiques. Paradoxalement cette étude du CNL concluait que
« finalement les jeunes aiment lire » à 84%. Mais ils ne lisent plus pareil et ils ne lisent plus les
publications de leurs parents ou grands-parents et de moins en moins les supports papier et encore
moins les quotidiens. Alors il faudra bien s’adapter…

Bernard Stéphan

Mon Quotidien du 3 juillet 2014