France-Soir, toujours le début de la fin ?

France-Soir, une longue histoire. Photo : Valentin Chaput.

Une nouvelle page s’est tournée pour l’ex-quotidien France-Soir. Le site TF1info l’annonce  :  « La sanction est tombée pour FranceSoir. La Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) a annoncé ce mercredi 30 novembre que le site d’information perdait son statut de service de presse en ligne. Un statut qui lui assurait notamment de bénéficier d’aides publiques et d’avantages fiscaux ». Et le site de poursuivre en expliquant que FranceSoir était déjà  » dans le viseur de nombreux fact-checkeurs pour ses publications. Il est notamment accusé depuis plusieurs années d’avoir relayé des thèses complotistes, notamment concernant l’épidémie de Covid-19. » 

Pour le quotidien LibérationFranceSoir  « n’est plus aujourd’hui qu’un blog conspirationniste et covido-sceptique ». Le quotidien Ouest-France précise lui que « le retrait de ce statut entraîne notamment la perte d’une exonération fiscale sur les dons, d’un taux de TVA réduit, et complique les démarches pour obtenir une carte de presse. » Le Figaro rappelle de son côté que « le site en ligne avait conservé son statut en 2021 malgré de multiples accusations de complotisme ».

Donc, tout va au plus mal pour ce titre qui ne fêtera peut-être pas ses 80 ans en 2025…

Le Centre de la Presse possède plus de 2.000 exemplaires de ce quotidien né sous ce nom le 7 novembre 1944. Il est la suite éditorial du journal clandestin Défense de la France créé en 1941 par des résistants, en particulier Robert Salmon et Philippe Viannay.  C’est sous l’Occupation « le plus fort tirage de la presse clandestine, avec 450 000 exemplaires par jour dès janvier 1944 » d’après Wikipedia. En novembre 1944, quelques mois après la libération de Paris, Robert Salmon nomme Pierre Lazareff, directeur de la rédaction (poste qu’il occupait à Paris-Soir avant la guerre). Ce dernier va donner une vraie impulsion à ce périodique populaire. En quelques années, il devient le quotidien le plus vendu en France, tirant, à partir de 1953, à un million d’exemplaires par jour avec 7 éditions.

Mais après la mort de Pierre Lazareff (1972), le journal va voir ses ventes peu à peu baisser. En 1976, Robert Hersant devient le propriétaire du journal et cherche à le restructurer. Mais c’est une suite d’échecs. Les ventes vont descendre à 300.000 exemplaires/jour. Départs volontaires de journalistes, licenciements, plan de redressement, etc… rien n’y a fait.Le site Universalis.fr résume bien la suite : « 

Après la mort de Robert Hersant, la situation économique du groupe Hersant, lourdement endetté, conduit à la revente du titre, en 1999. Les difficultés persistantes du quotidien aboutissent à la déclaration de cessation de paiements en 2005 et à son rachat, après un rude conflit avec les journalistes inquiets pour leur indépendance, par l’homme d’affaires Jean-Pierre Brunois. En 2009, le milliardaire russe Alexandre Pougatchev devient le propriétaire du journal et investit massivement pour le relancer. Malgré ces efforts, la version papier est arrêtée en 2011 et la société éditrice est liquidée en juillet 2012. France-Soir, dont la marque a été rachetée par la suite, n’existe plus que sous la forme d’un site Internet d’information en continu relancé en 2014. »
Pour être complet sur cette affaire, nous publions ci-après le long communiqué de presse de Xavier Azalbert, directeur de publication de FranceSoir, que le site de L’Observatoire du journalisme a mis en ligne « sans commentaires » : Nous non plus, nous ne ferons pas de commentaires : 

« C’est par voie de presse le 30 novembre 2022 que la rédaction de FranceSoir a appris la décision du ministère de la Culture de ne pas renouveler l’agrément CPPAP du journal, et plus particulièrement son certificat d’Information Politique et Générale (IPG). Selon la Commission paritaire des publications et agences de presse, FranceSoir présenterait un « un défaut d’intérêt général » et nos contenus publiés à propos de la crise du Covid-19 porteraient « atteinte à la protection de la santé publique ».

Le 22 juillet 2022, soit trois mois avant l’expiration de son certificat prévue au 30 septembre 2022, la CPPAP confirmait la bonne réception du dossier de renouvellement de notre certificat IPG. Le 30 septembre 2022, nous étions toujours sans nouvelle d’une quelconque décision. Le 30 novembre, l’annonce tombe, sans que la société n’ait reçu aucun courrier officiel ni même aucune signification de cette décision.

Notons que la position de la CPPAP s’inscrit en contradiction avec celle adoptée en mars 2021 : à la suite d’un audit anticipé de notre agrément sur demande, en février 2021, de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, l’organisme chargé de reconnaître la validité des titres de presse avait alors jugé que notre journal remplissait tous les critères d’admission. Il soulignait notamment que FranceSoir présentait « des informations, des analyses et des commentaires […] susceptibles d’éclairer le jugement des citoyens », comme le veut l’article 2 du décret du 29 octobre 2009 qui fixe ces critères d’admission.

Cette réunion de la CPPAP en plénière s’est tenue près de deux semaines après la publication d’un documentaire à charge de France info (“Complément d’enquête“ du 17 novembre) contre le Pr Didier Raoult, mais aussi FranceSoir ainsi que son directeur Xavier Azalbert, et deux jours après la publication de l’enquête de FranceSoir sur le scandale Fact & Furious. Cette investigation menée sur plusieurs mois a révélé des compromissions et collusions au sein de la communauté d’opinion des fact-checkers, dans laquelle Antoine Daoust, fondateur du site Fact & Furious, a joué un rôle pivot. Selon le témoignage de son ex-épouse,

Fact & Furious, dont les publications étaient régulièrement reprises par des médias mainstream, visait principalement à discréditer par ses articles le Pr Raoult, Idriss Aberkane, Xavier Azalbert et le Pr Christian Perronne. Pourtant, bien qu’il ne détenait aucune formation journalistique, M. Daoust, ex-militaire et barman retiré, a pu obtenir en mai 2021 pour son site un agrément de la part de ce même ministère de la Culture qui lui refusera une bourse au mois de novembre 2021. Le motif : il ne détenait justement « pas de formation journalistique pour le fact-checking ».

L’accusation de la CPPAP selon laquelle nous mettrions en danger la santé publique interpelle par sa mauvaise foi. Accusé d’avoir dénigré les « politiques de santé publique » mises en place durant la crise du Covid-19 par le gouvernement, Christian Perronne a été entièrement blanchi par la chambre disciplinaire de première instance d’Île-de-France de l’Ordre des médecins le 22 octobre 2022. Elle est allée jusqu’à juger qu’en sa qualité d’infectiologue internationalement reconnu, le médecin avait « l’obligation de s’exprimer dans le domaine qui relève de sa compétence » durant la crise du Covid-19. Si le Pr Perronne était donc lié par un devoir de parole, il en découle logiquement qu’il relève du droit et du devoir de FranceSoir de donner la parole à cet universitaire. Aussi, la CPPAP n’aura pu ignorer cette décision de la CDOM qui met à mal l’argumentaire selon lequel publier des contenus qui s’alignent avec les analyses de cet éminent expert, dont la justesse s’est avérée dans le temps, porte atteinte à la protection de la santé publique. Blanchir le messager et condamner son support démontre une incohérence certaine.

Plus largement, cette décision soulève également un problème de fond plus grave : l’attaque contre le pluralisme de la presse, censé être protégé par le ministère de la Culture. La quasi-totalité de la presse française, mais aussi les GAFAM, sont engagés dans une croisade de censure contre ce journal qui décidément les obsède. En septembre 2021, le géant américain Google avait coupé l’accès de notre site à son réseau publicitaire, nous privant d’une partie de nos revenus. Quelques mois plus tôt, Google nous déréférençait de son service Google Actualités et censurait notre chaîne YouTube. Ils veulent nous faire taire.

Parmi les plus combattus, notre journal est aussi l’un des journaux français les moins soutenus. Contrairement au reste de la presse, notre journal ne bénéficie d’aucune subvention d’État. Mais c’est ce qui fait aussi notre force : indépendant de tout intérêt, FranceSoir est exclusivement financé par ses lecteurs qui nous soutiennent par des dons défiscalisés. C’est grâce à nos lecteurs que notre liberté est assurée et que nous pouvons remplir notre mission de quête de vérité. Il va donc sans dire que les conséquences de cette décision de la CPPAP seront éminemment nocives pour notre journal, puisqu’elle entraîne notamment la perte d’une exonération fiscale sur les dons.

Cette décision politique a été saluée par certains médias ; elle démontre ainsi que loin est le temps où les organes de presse se posaient en garant de la défense du pluralisme des opinions, dont la confrontation par le débat est pourtant une des conditions nécessaires à la recherche de la vérité. Désormais, seul prime l’invisibilisation des faits qui remettent en cause le discours officiel, dont la trame principale est le mensonge.

Naturellement, FranceSoir a décidé de faire appel de cette décision. »

On attend la suite de cette affaire. Toutefois, on s’interroge au Centre de la Presse : faut-il faire encore de la publicité pour ce titre, dont le nom pastiché en 1986 était : France-Poir (nous l’avons aussi dans nos collections !).