Le « faux Soir » : pour se rire de l’oppression

Depuis près d’un an, les collections du célèbre quotidien bruxellois Le Soir sont conservées sur les rayonnages installés sur la mezzanine des locaux du Centre de la Presse au Châtelet. Ces exemplaires, reliés par mois, proviennent des 80 palettes de presse internationale provenant de la Bibliothèque du parlement de Versailles et condamnées à l’origine à la destruction. L’arrivée de ces collections il y a quelques années dans le Berry (via trois semi-remorques) avait été épique, en particulier leur répartition par Le Centre de la Presse dans divers lieux du territoire. Par exemple, ces volumes du journal Le Soir furent livrés au Châtelet sur le plateau… d’un tracteur agricole !

Une partie des éditions du Soir conservées au Centre de la Presse.

Ce quotidien a une longue histoire. Il a été créé en 1887 par Émile Rossel. Le 18 mai 1940, quelques jours après l’invasion allemande, Le Soir cesse de paraître. Il est relancé, contre la volonté des propriétaires (famille Rossel), par un groupe de collaborateurs (Horace Van Offel, Raymond De Becker). Il est donc censuré par l’occupant pour correspondre aux valeurs de l’Ordre nouveau. Le quotidien est alors surnommé « Le Soir volé » [Sources Wikipedia]. C’est dans « Le Soir volé » que le dessinateur Hergé publia en feuilleton plusieurs histoires de Tintin, le célèbre reporter.

Un « roman graphique » comprenez une BD, intitulé « Le faux Soir », publié en novembre 2021 (éditions Futuropolis) par Denis Lapière, Daniel Couvreur et Christian Durieux, raconte comment le mardi 9 novembre 1943, il y aura bientôt quatre vingt ans, des citoyens attachés à la démocratie et à la liberté vont braver tous les interdits pour publier un numéro clandestin à la barbe de l’occupant. Journalistes, imprimeurs, marchands de journaux et cafetiers, au péril de leur vie, ont eu l’idée géniale de parodier le journal aux mains de la propagande nazie. 60 000 exemplaires vont être distribués en Belgique et à travers l’Europe.  À tel point qu’Hitler mis au courant voulut que les coupables soient arrêtés.

Un exemplaire du « faux Soir« .

Aujourd’hui, le « faux Soir » est devenu objet de légende. Un fac-similé de ce numéro exceptionnel est consultable via le réseau des bibliothèques du Berry Grand Sud. Cette reproduction accompagne en effet la BD que la bibliothèque « Presse et médias » du Centre de la Presse a acheté il y a quelques mois.

la BD  » Le faux Soir« .
L’éditeur Sébastien Gnaedig, et les trois auteurs de la BD, Denis Lapière, Daniel Couvreur et Christian Durieux, dans les locaux du Soir
Photo : © Le Soir.

Le dimanche 3 septembre 1944, Bruxelles est libérée. Dès le lendemain, Le Soir est restitué à ses propriétaires et les vrais journalistes reprennent possession de la rédaction. Les rotatives impriment « le vrai Soir probe et libre » en souvenir du « faux Soir »,  et en mémoire de la quinzaine de personnes arrêtées par la Gestapo, dont certaines qui mourront en déportation.

A noter que c’est toujours le groupe Rossel qui est propriétaire du journal et de nombreux journaux en Belgique et en France, telle La Voix du Nord, par exemple.

Pour mémoire la bibliothèque Presse & Médias du Centre de la Presse au Châtelet est ouverte au public le mercredi après-midi de 14h à 17h. Réservation du livre en nous contactant au 0651547273. Voilà une belle occasion de devenir un habitué de cette bibliothèque en plein développement… et dont l’adhésion est gratuite.

Chantal Bonneau