Faits-divers et affaire Mis et Thiennot au CDP

Les faits-divers étaient à l’honneur ce samedi au Centre de la Presse (CDP) à l’occasion de l’animation organisée par la Bibliothèque Presse et Médias de l’association dans le cadre de l’opération Bibs en bulles menée par la Médiathèque départementale.

Une quarantaine de personnes ont répondu présent à cette initiative aux multiples facettes.

C’est dans la bibliothèque elle-même que tout commence. Affaires Seznec, Dominici, bande à Bonnot, Landru, Dahlia noir, Manson, et autres affaires racontées en BD (bandes dessinées) sont mis en valeur sur les étagères : les visiteurs les feuillètent, les commentent.

De nombreuses BD sur des affaires célèbres.

Sur une table, la BD « l’affaire Mis et Thiennot » de Louis Gildas et Gérard Clam voisine avec les articles de presse récents et les nombreux livres consacrés à cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre depuis presque 80 ans (comme les ouvrages de Léandre Boizeau Mis et Thiennot une vie de combat ou Thiennot, l’homme qui hurlait d’innocence). On lit, on se souvient des différentes étapes qui ont jalonné, ce fait-divers, ce long combat. On rapproche cette affaire d’autres faits-divers, notamment locaux, on apprend ainsi que l’histoire du crime de Jariolle (Cher), en 1796, est encore transmise dans les familles.

Sans un autre coin de la bibliothèque, sous cadre , deux articles originaux de Détective datant de 1948. Le journal avait alors missionné un envoyé spécial, Harry Grey, écrivain américain pour enquêter et rendre compte  du meurtre de Mézières-en Brenne, dans l’Indre. C’est l’occasion d’un échange sur l’évolution des techniques d’investigation de la police, en particulier avec l’apport d’Alphonse Bertillon et son anthropométrie judiciaire.

À présent, direction le couloir de la bibliothèque qui mène à la salle de conférence. On découvre la mini-exposition consacrée aux faits-divers à la Belle Époque, réalisée il y a vingtaine d’années par Le Centre de la Presse. On s’attarde devant la vingtaine de Unes chocs comme « Le drame de la rue d’Avron à Paris » (Le Petit Parisien supplément illustré du 27 juillet 1890) ou le « Cambrioleur tombé d’un toit » (Le Petit Journal supplément illustré du 14 mai 1899) illustrant par des dessins très réalistes en noir et blanc ou en couleur des faits très divers. Comme un lien avec le neuvième art !

Dans le couloir, la mini-exposition sur les faits-divers à la Belle Époque.

Arrive le temps de la conférence, donnée par Jean-François Petit, maître de conférence à l’Université catholique de Paris. Il commence par rappeler les faits, l’assassinat le 29 décembre 1946, du garde-chasse Louis Boistard de la propriété Lebaudy, à Mézières-en Brenne dans l’Indre, de l’arrestation rapide de plusieurs chasseurs. À la suite d’aveux obtenus « sous contrainte » durant une longue garde à vue, et après plusieurs procès, les peines prononcées seront de 15 ans de travaux forcés pour les deux supposés tueurs  Gabriel Thiennot et Raymond Mis.  Et pourtant les deux condamnés se sont très rapidement rétractés. Ils seront graciés en 1954. Mais tout cela va entraîner un long combat pour obtenir la révision du procès, puis leur réhabilitation. Ils sont aujourd’hui décédés.  Le dossier d’instruction a-t-il été bâclé ? « L’affaire était mal emmanchée, dès le départ » dit au début le conférencier.  La justice a-t-elle failli ? Ce sont ces questions que développe Jean-François Petit devant un public très attentif, à la fois curieux de détails supplémentaires et de rapprochements avec d’autres affaires.  Un public et un conférencier qui s’interrogent sur le rôle des médias dans cette affaire et dans d’autres, sans oublier aujourd’hui l’influence des réseaux sociaux sur l’opinion publique.

Jean-François Petit au début de sa conférence.

Cathy Leblanc, professeure en philosophie à l’Université catholique de Lille, était présente.  Elle travaille notamment sur la barbarie et la déshumanisation et a écrit plusieurs ouvrages sur la déportation. Elle est intervenue en fin de l’exposé de Jean-François Petit pour rappeler qu’il a déjà fait cette conférence devant des juges et devant des étudiants, futurs juges. Elle a précisé que cette affaire de meurtre dans l’Indre est à présent enseignée,  c’est un beau cas d’école. Aujourd’hui, avec la police scientifique et les analyses ADN en particulier,  les enquêtes  sont menées différemment ; c’est intéressant de comparer avec ce qui se faisait il y a encore quelques dizaines d’années. En ce qui concerne l’affaire Mis et Thiennot, elle va peut-être bientôt trouver son épilogue, puisque qu’on le sait aujourd’hui, la Justice doute ( enfin ! diront certains),  il y aura une révision du procès. Il faut dire que la Justice a beaucoup de difficultés à reconnaître ses erreurs, de peur d’ouvrir la boîte de Pandore.

Nous avons eu la chance d’entendre une conférence de grande qualité. Jean-François Petit et Cathy Leblanc ont par ailleurs félicité Le Centre de la Presse pour le « travail exceptionnel » qui se fait dans ces locaux du Châtelet.

Un public très attentif et curieux.

Le verre de l’amitié a conclu agréablement cette après-midi à la fois instructive et distrayante.

L’exposition est visible jusqu’au 16 novembre prochain à la bibliothèque. Lors de cette future journée de clôture, les amis du Centre de la Presse sont invités à 16 h à participer à une causerie intitulée « Rêves et cauchemars à Hollywood » à partir de la BD et des ouvrages liés à l’affaire du Dalhia Noir. Avec la participation de Clémence Fraboulet, animatrice du réseau des bibliothèques de la Cdc Berry Grand Sud, nous irons faire un tour en Amérique fin des années 40.  De quoi rêver tout en regardant de l’autre côté du miroir…