La rubrique qui dit l’avenir

En principe la presse parle du passé, même s’il s’agit du passé proche, en général c’est l’actualité de la veille. Elle consacre pourtant quelques lignes quotidiennes à l’avenir… Il s’agit de l’horoscope.
Son origine n’est pas très ancienne et en tous les cas elle n’a pas accompagné le développement de la presse populaire du XIXè siècle. Ce n’est que dans les années 1920 que cette rubrique s’installe dans les publications françaises. Il semble que l’affaire arrive de Grande-Bretagne où un astrologue eut ses années de célébrité. Il s’agit d’un certain Richard Naylor qui inventa la prédiction hebdomadaire avec une chronique dans le Sunday Express en 1936. C’est ce même Richard Naylor qui eut l’intuition de faire des prédictions à partir des signes du zodiaques, une manière subtile de concerner directement les lecteurs qui allaient ainsi chercher la prédiction personnelle dans leur signe zodiacal. Allait alors naître la rubrique quotidienne. En France en 1932 une rubrique astrologique va paraître dans Le Journal de la Femme.

Une page spéciale du Journal de la Femme du 12 août 1933 consacrée principalement à l’horoscope – Cet hebdomadaire a été l’un des premiers périodiques a publié des horoscopes dès 1932.
Collection Le Centre de la Presse.

En 1935, Paris-Soir et Gringoire font paraître leurs premiers horoscopes.

 Paris-Soir du 19 juillet 1935 – Collection Le Centre de la Presse.

À partir du 5 mars 1937 paraît l’horoscope de Marie-Louise Sondaz dans le magazine Marie-Claire une fois tous les quinze jours. On lit par exemple dans la chronique du « Signe de la Vierge » quelques-unes des prédictions suivantes: « Du 7 au 10 vous vivrez des jours difficiles. (…) Ne voyez que des amis sûrs. (…) Le 11 sera un jour brillant et le 12 celui des travaux ménagers. » On voit que les voyants ne prenaient pas trop de risques. A partir du printemps 1939 l’horoscope de Marie-Louise Sondaz va distinguer les lectrices entre les brunes, les blondes ou les rousses pour « affiner » la prédiction.

Marie-Claire du 26 mars 1937. M. Vinal réalise également des horoscopes pour ce magazine –  Collection Le Centre de la Presse.


Après-guerre quasiment toute la presse quotidienne, y compris régionale, aura son horoscope décliné signe par signe. Ceci répondra alors à un engouement du public, une habitude quotidienne de consultation ou de lecture collective dans l’entreprise, en famille ou au comptoir du bistrot.


L’horoscope quotidien devient une incitation d’achat du journal à l’instar du feuilleton. Le succès est tel que la presse quotidienne va proposer des rendez-vous particuliers pour en faire des évènements éditoriaux. Ce sont les horoscopes du premier janvier qui à partir des années 1970 vont occuper plusieurs pages pour prédire les grandes tendances de chaque signe du zodiaque pour l’année qui vient. Ce sont aussi les rencontres avec des supposés voyants qui annoncent les grands
événements de l’année. Il est toujours intéressant, un an après, de se replonger dans les élucubrations de ces Nostradamus d’opportunité pour faire le bilan de leur fiabilité…
Si les quotidiens se sont mis à l’horoscope massivement après la guerre, la presse magazine l’a adopté avec son développement à partir de la fin des années 1950. Aujourd’hui la majorité des titres régionaux et des hebdos de loisirs publient des horoscopes. Le goût pour la voyance ayant toujours autant de succès, il n’a pas faibli depuis les antiques oracles qui lisaient dans de nombreux signes, dans les cendres, dans la forme des nuages et même dans les entrailles des animaux.

Bernard Stéphan