Moins de maisons de la presse, c’est moins de quotidiens

 La maison de la presse à Châteaumeillant, un chef-lieu de canton dans le département du Cher. C’est grâce à la diversification des produits vendus que ce magasin continue d’être rentable. La seule vente des journaux et revues ne suffit plus.

Pendant le confinement la presse a été déclarée « produit essentiel ». Ceci renvoyait à la parole que l’on ne peut contraindre, même sous un état d’urgence sanitaire, que l’on ne peut suspendre, que l’on ne peut mettre entre parenthèses. Et pourtant, l’accès à cette parole, donc à la presse écrite sur papier, est de plus en plus compliqué. Une simple observation s’impose après une question : combien de maisons de la presse ont baissé leurs rideaux dans nos départements depuis dix ans ?  Et la réponse est simple : beaucoup. Au hasard de la liste qui serait très très longue : Bourges, Clermont-Ferrand, Brive, Lisieux, Quimper, Forbach, Soissons, Dreux, Périgueux, parmi tant et tant d’autres. En France elles sont environ 5% à fermer chaque année. Les raisons sont multiples. Cherté des pas de porte des centres-villes où  les bailleurs préfèrent la téléphonie, les lunettes ou les agences immobilières à la presse, faiblesse des marges commerciales sur les produits presse (la France est le pays d’Europe qui paye le moins bien ses vendeurs), soutien relatif voire inexistant des groupes de presse, inatractivité de la profession pour les jeunes, cherté de la reprise des commerces pour une relève générationnelle, baisse des ventes de la presse quotidienne tant pour les titres nationaux que pour la presse régionale, concurrence des produits numériques d’information.

En 2015 le nombre des marchands de journaux en France est passé sous la barre symbolique des 25.000. Il fut un temps où il y avait plusieurs maisons de la presse dans les villes moyennes, un kiosque tous les trois ou quatre cents mètres sur les grandes avenues à Paris et un marchand de journaux dans tous les chefs-lieux de canton (anciens chefs-lieux) dans les départements. Ces dernières années l’érosion s’est accélérée avec au moins deux facteurs aggravants : le confinement et la crise du réseau de distribution Presstalis. L’érosion montre une courbe constante avec une baisse des ventes du papier (des journaux quotidiens) d’environ 7% par an depuis 2009.

Alors bien sûr il y a l’évolution des choses, la concurrence de la presse en ligne et de tous les médias numériques (vrais ou supposés). Mais il y a la marchandisation accélérée de l’immobilier de centre-ville (souvent avec la bénédiction des municipalités) qui n’a que faire de la défense de commerces qui sont pourtant un des nombreux rouages de la diffusion du savoir et même de la démocratie.

Paris est une exception grâce à une grande opération de rénovation des kiosques conduite depuis 2005 et soutenue par les pouvoirs publics. Sur les 409 kiosques de la capitale, 360 ont été rénovés et entre 2005 et 2009 soixante-treize nouveaux kiosques ont été ouverts.

L’exception parisienne ne doit pas cacher la réalité sombre de tout le reste du pays. Alors comment donc sauver nos Maisons de presse et kiosques dans les villes de nos départements ? Simplement en y allant, en poussant leur porte ou en se présentant sous leur auvent.

On va me dire que c’est là un usage d’un autre temps. Si on ne le fait pas, l’érosion de la presse écrite va se poursuivre et notamment la forte dégradation des ventes de la presse quotidienne, celle qui a valeur symbolique depuis le XIXe siècle pour mener le débat, poser les questions, porter le fer dans la plaie, défendre la démocratie.

Bernard Stéphan