La voiture électrique, une nouveauté, vraiment ?

Depuis quelques années, les constructeurs automobiles nous font la promotion des voitures électriques et nous expliquent que c’est la grande nouveauté… La voiture électrique une nouveauté ? C’est une douce plaisanterie. En réalité, elle est aussi vieille que l’automobile elle-même. La propulsion électrique est même née (vers 1830) avant le moteur à explosion (après 1850).

Pour s’en convaincre il suffit de lire l’article que nous avons retrouvé dans la revue Le Sport universel illustré du 6 janvier… 1900. Il est signé de Frantz Reichel (1871-1932), sportif français polyvalent, journaliste, futur fondateur de l’Association internationale de la presse sportive. Extraits de son papier : « Nous nous sommes toujours montrés partisans de la voiture électrique, alors que la plupart de nos confrères s’attachaient tout uniment aux exploits du pétrole, nous avons les premiers de tous consacré notre attention et nos efforts à favoriser les progrès de la locomotion électrique, créant pour elle, l’an dernier, deux épreuves, l’une de vitesse sur le parcours Paris-Poissy, l’autre d’endurance sur la route circulaire de l’hippodrome de Longchamp. L’une et l’autre eurent leur succès. Nous n’y reviendrons pas, et si nous en parlons, c’est pour nous réjouir en modestes vulgarisateurs d’avoir vu de plus puissants que nous, c’est nommer [le quotidien] Le Vélo, prendre en main à leur tour la cause de l’électricité et instituer pour elle une grosse épreuve à sensation faite pour stimuler le zèle des électriciens, pour les inciter à chercher, à trouver au prix d’efforts et de sacrifices d’argent considérables, la voiture quasiment idéale, capable d’assurer un service certain, pratique, exempt des trop nombreuses mésaventures inhérentes à l’électricité. Il faut savoir jeter l’argent par les fenêtres ; quelque jour il rentrera par la porte. Nos constructeurs l’ont bien compris, et c’est pourquoi ils ont réussi à établir en l’an 1900 quelques voitures nouvelles qui réalisent de réels progrès sur les véhicules produits jusqu’alors.

La « Jamais contente », une voiture électrique créée en 1899 par le belge 
Camille Jenatzy. Elle va battre le record de vitesse en atteignant 100 km/heure, lors d’un concours organisé par  la revue La France automobile sur la route centrale du parc agricole d’Achères, dans les Yvelines, en Île-de-France.

Le jour viendra où le type parfait comme ligne, comme confortable, comme garantie de marche sera trouvé. Et ce sera le merle blanc, car sur les voitures à pétrole qui ont atteint une quasi perfection, la voiture électrique a les incontestables et fort appréciables mérites d’être silencieuse et propre. Pour mon compte, je ne connais pas d’impression aussi plaisante à l’être que celle de rouler dans un véhicule mû par cette force mystérieuse qu’est l’électricité, sans à-coups, sans efforts sensibles, dans un silence presque complet que rompt à peine la musique ronronnante du moteur au départ.

Les temps prévus arriveront bientôt, et si l’on ne peut encore espérer – et pour cause — de voir bientôt les véhicules réaliser les fantastiques vitesses du pétrole, le jour n’est pas loin où l’électrique ayant reçu une formule quasi définitive triomphera dans nos rues que ses produits sillonnent déjà nombreuses. Peut-être qu’un temps viendra où la route sera aussi son domaine. Ce temps est encore lointain pour deux raisons : la première l’interdiction des courses qui en empêchant l’émulation sportive entrave forcément la recherche opiniâtre et passionnée dans le progrès à réaliser; la seconde, les difficultés qu’on rencontre à trouver sur son parcours des installations permettant de se procurer la force nécessaire pour poursuivre sa route. L’énergie électrique est d’une durée limitée, et malheureusement n’étant pas encore mise en bouteilles, elle ne connaît pas les facilités du pétrole, le dépôt rencontré chez le premier épicier venu.

Il reste bien le record; c’est un stimulant que les convaincus se procurent, mais ceux-là sont rares, bien rares.

Certains espèrent  – rien n’est impossible – qu’un jour nos routes seront semées de prises de courant électriques où automatiquement, moyennant un tribut réglé, nos électriciens en panne retrouveront en rase campagne ce qu’il leur faut de combustible pour atteindre l’étape. Pourquoi pas? »

Cent vingt-deux ans nous séparent de cet article. À le lire, on s’aperçoit que les problèmes sont toujours les mêmes : l’autonomie et les lieux de recharge des batteries. On est loin d’avoir réglé tous les problèmes aujourd’hui.  Et finalement peu de choses ont été faites durant toutes ces décennies. Il est clair que les constructeurs avec le soutien des pouvoirs publics ont préféré améliorer et développer les voitures fonctionnant « au pétrole » que les automobiles électriques. Le lobby des pétroliers n’est sans doute pas innocent dans cette situation… Qu’en pensez-vous ?

Pascal Roblin