Ira-t-on bientôt vers les déserts médiatiques comme il y a les déserts médicaux ou commerciaux ou scolaires ? Cette question part d’un constat : les agences de presse des petites villes ont quasiment toutes fermées leurs portes durant ces quinze dernières années et le nombre de correspondants de presse a fondu.
Les décennies 1970 et 1980 ont été celles des années du partage des territoires entre les grands groupes de la PQR (Presse quotidienne régionale). Avec trois phases qui en ont été les conséquences.
La première phase c’est la réduction de l’offre des titres. Exemple : au début des années 1960 il existait cinq quotidiens à Brive-la-Gaillarde (Corrèze) avec La Montagne, Le Populaire du Centre, L’Écho du Centre, La Dépêche du Midi, Sud-Ouest. Partage des territoires, baisse du lectorat, formation des grands groupes, et des titres sont partis fermant leurs agences. L’exemple de Brive est parlant. La Montagne a conservé le territoire, Sud-Ouest s’est replié sur la Dordogne voisine, La Dépêche du midi est partie dans le Lot voisin. L’Écho du Centre a disparu. Et dans le même groupe de presse, progressivement Le Populaire du Centre s’est retiré de la Corrèze pour se cantonner dans son département historique la Haute-Vienne alors que La Montagne s’est retirée de la Haute-Vienne pour y laisser Le Populaire du Centre en situation de monopole. Ce partage de territoire serait aussi illustré en région Centre-Val de Loire par les accords entre La NRCO et Le Berry républicain. La première s’est retirée du Cher, le second s’est retiré de l’Indre. Dans la Nièvre voisine c’est à l’intérieur du même groupe qu’a eu lieu le partage, La Montagne s’est retirée de la Nièvre pour laisser Le Journal du Centre seul sur ses terres, lequel s’est retiré de la bordure de l’Allier pour laisser La Montagne seule sur ses terres historiques du nord de l’Auvergne.
La chasse aux… coûts
La seconde phase a été la réduction des coûts, et donc la fermeture des agences de petites villes mais aussi de certaines grandes villes dans le cas de mutualisation entre titres d’un même groupe. C’est ainsi que Sud-Ouest a annoncé la fermeture de ses agences d’Angoulême, Auch et Pau. C’est ainsi pour Midi Libre à Rodez qui désormais mutualise avec Centre-Presse Aveyron. Côté petites villes de nombreuses fermetures ont eu lieu ; ainsi pour la zone de La Montagne avec Aubusson, Ambert, Ussel, etc. Pour la zone d’Ouest-France avec Pont l’Abbé et Landerneau.
La troisième phase, accélérée par les années covid, a été marquée par la poursuite de la réduction des coûts avec la baisse de la pagination, et la réduction drastique du nombre de correspondants locaux.
Moins d’agences locales, moins de correspondants, réduction de pagination, la conséquence est évidente, le traitement local de l’information est moins disant, sa couverture publiée dans les colonnes s’est réduite.
Pas d’infos sans journaliste
Cette évolution renvoie à la question ouvrant cette chronique : va-t-on aller vers des déserts médiatiques ? On va me répondre que l’info passera par les bulletins municipaux, les bulletins des com.com, les pages Facebook des associations ou les blogs de quelques passionnés. Permettez une réserve : l’information, fut-elle de l’hyper-proximité doit être vérifiée, validée, passée au crible de la contradiction et de la confrontation, elle relève donc du métier de journaliste. Sinon c’est de la communication au risque des fake-news. Il y a donc bien désormais risque de déserts médiatiques dans de nombreuses zones rurales de notre pays. Et il est conforté par la fermeture des points de vente des journaux (lire ma première chronique sur ce thème).
Le désert médiatique doit être considéré comme un handicap supplémentaire de la France rurale à l’instar des déserts scolaires, des déserts médicaux, des déserts commerciaux, mais bien plus que ça encore car le journal est aussi un médiateur de la vie sociale, un acteur de la vie communautaire, un lien des citoyens à tous égards, c’est un service du bien public qui s’en va.
Bernard Stéphan